AAPEL
Interview de M. Randy Wolbert accordée le 19 novembre 2002

Descriptif  diagnostic
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Q: Pourriez-vous tout d'abord nous parler un peu de vous, de votre travail dans le domaine de la santé mentale et de votre expérience éventuelle dans le traitement de cette maladie ou de la recherche fondamentale ?
J'ai traité le BPD au sein d'une communauté de santée mentale pendant 23 années.  J'utilise efficacement la thérapie DBT depuis 7 ans

En quelques mots très simples (pour le public  pas le DSM)
Q: "Qu'est-ce que le trouble de la personnalité Borderline ou Etat limite ?"
Une dérégulation envahissante des émotions menant à des comportements impulsifs

Q: Est-ce une "maladie féminine" ?
(question non posée)

Q: Qu'est-ce qui le différencie des autres maladies et troubles de la personnalité ?
Un ensemble de comportements

Q: Beaucoup de specialistes suggerent que le coté “enfant” de l'adulte borderline est incontournable de la maladie ?
(pensee noir et blanc, tout bon, tout mauvais, aucun juste milieu...)
Si par enfantin vous voulez dire impulsif - oui c'est définitivement une caracteristique

Q: De même que les colères inappropriées ?
Un des 9 symptomes listés par le DSM-IV pour le BPD

Q: Comment être sur que c'est bien un trouble borderline et pas une autre maladie mentale ?
- pas une dépression
- pas un trouble bipolaire
- pas un trouble de déficit d'attention
- pas un syndrome d'asperger (autisme “performant”)
...
Il faut être prudent lorsque l'on explore les symptomes et en les comparant aux normes établies

Q: L’imagerie médicale peut-elle permettre de détecter une anomalie pour cette maladie?
(question non posée)

Lorsque l'on est dans l'entourage d'une personne potentiellement borderline.
Q: Quels sont les comportements qui doivent nous alerter et nous dire:
 "là c'est quand même pas normal, il faudrait qu'il ou elle consulte"
Tout ensemble de comportements qui mènent à des fonctionnements sociaux significatifs et/ou professionnels devrait être considéré comme une cible pour traitement - basiquement tout de ce qui à un certain point dans notre vie s'est engagé dans les comportements semblables aux individus avec le trouble - c'est une question d'intensité et d'envahissement - si votre comportement vous fait continuellement perdre vos amis, ou votre travail, si vous vous engagez dans des comportements suicidaires ou autres risqués il est temps d'obtenir l'aide.

Q: A quel age peut-on commencer à voir les signes de la maladie et s'en préoccuper ?
Cela varie largement entres les individus, beaucoup les montrent au collège mais il n'est pas rare que cela soit plus tôt ou plus tard - J'ai traité des personnes aussi jeunes que 13 ans.

Les personnes qui ont ce trouble en "ont l'habitude", elles "vivent avec" depuis toujours et c'est "leur nature".
Q: pourquoi dans ce cas ne pas "les laisser tranquille" et les laisser continuer à vivre leur vie plutot que chercher à les soigner ?
Parce qu'il sont habituellement très malheureux et souvent suicidaires et si un traitement est disponible c'est l'humaine chose à faire

Q: Les patients borderlines sont-il plus "fragile" et sujet à la "somatisation" ?
beaucoup de petites maladies, certaines maladies somatiques (dermatologique, ORL, ...)
(question non posée)

Justement à propos de cette maladie
Q: "peut-on en guérir ?"
Il a été montré que la thérapie DBT était efficace pour réduire et souvent éliminer les comportements qui composent le BPD

Traitement:
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Q: Le recours aux médicaments (au moins durant un temps) est-il indispensable ou une simple thérapie peut suffire ?
La médication peut être d'une grande aide pour traiter des symptomes spécifiques mais les changements réels ne se produiront qu'avec la thérapie

Q: même question mais que la médication sans la thérapie
Il n'y a pas de preuves que la médication sans thérapie soit efficace

Q: cela signifie-t'il que seul un médecin psychiatre thérapeute est à même de guérir un patient borderline et pas uniquement un thérapeute non médecin ?
Les meilleurs résultats ont été obtenus par des thérapeutes formés à la thérapie DBT - cela pouvant inclure des psychiatres, psychologues, travailleurs sociaux et  "nurse practitioners" - pour illustrer je suis un travailleur social.

Q: Les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (5-OH-tryptamine) sont-ils efficaces dans le traitement de cette maladie ? (de nombreux patients parlent de celui-ci comme d'une drogue miracle)
(question non posée)

Q: Certaines molécules sont-elles plus efficaces que d’autres et qu’est-ce qui les différencie?
FLUOXETINE, PAROXETINE CHLORHYDRATE, CITALOPRAM BROMHYDRATE, FLUVOXAMINE MALEATE, SERTRALINE CHLORHYDRATE
(question non posée)

Q: L'on parle de patients borderlines "fonctionnant mini" (coupures, auto-mutilations, suicide) et "fonctionnant maxi" (semblent "normaux")
Croyez-vous en ces deux définitions ?
Est-ce que les mêmes traitements s'appliquent aux "maxi" (médication, thérapie, guérison)
(question non posée)

Therapie.
Il semble y avoir débat. En premier lieu, une "vérité" semble être que les thérapies classiques standard ne fonctionnent pas avec les personnes borderline, est-ce exact ?
(question non posée)

Nous avons lu que la thérapie DBT (Thérapie Dialectique Comportementale) "Dialectical Behavioral Therapy" est adaptée (fonctionne)
Q: Votre opinion ?
(question non posée)

Certains affirment que tout ce qui précède ne fonctionne pas (ou peu) avec les borderline "fonctionnant maxi". Pour être clair, cela est sans espoir, ils sont condamnés à souffrir toute leur vie
Q: Est ce vrai, pas vraiment optimiste non ?
(question non posée)

Existence “réelle” de la maladie
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Q: Le terme “Borderline” ou “Etat limite” est-il adapté, cela sous-entend “pas vraiment”?
Le terme borderline est resté de la psychanalyse - signifiant évoluant entre la psychose et la névrose - une meilleure description pourrait être dérégulation des émotions envahissante (peut-être dans le DSM-V)

D’ailleurs certaines personnes, et même des psychiatres affirment que "nous sommes tous borderline", qu'en clair cette maladie n'existe pas
Q: quelle est votre opinion à ce sujet ?
We all have the capability of acting this way usually when we are emotionally vulnerable and are feeling invalidated - however the criteria for BPD is quite specific and really only 1-2% of the population seem to meet criteria.  Often because of the stigma there is reluctance to give this diagnosis. However with an effective treatment such as DBT it is better to diagnose correctly to assure that the correct treatment will be applied.

Q: A propos du DSM IV. Certains thérapeutes en France, lorsque nous prononcons le mot "DSM" ont un certain "dédain", comme si c'était "sans intéret"
Pourriez-vous répondre à ceci ?
(question non posée)

Je répondrais non mais je pose la question
Q: N'importe quel psychiatre dispose t’il de la formation et de l'expérience pour soigner un patient borderline ?
Non

Q: Pensez-vous qu'il y ait carences en ce domaine à l'heure actuelle dans votre pays ? (formation des thérapeutes)
Oui

D'ailleurs, en France, la maladie mentale est encore plus tabou que le cancer il y a quelques années
Dans l'esprit, quiconque va consulter un psychiatre est "un fou"
Q: qu'avez-vous à dire à ce sujet ?
Cela n'est pas très différent dans notre pays - c'est pourquoi il est très important d'avoir des groupes qui plaident et qui fournissent une éducation - lorsque vous additionnez toutes les maladies mentales vous trouvez que beaucoup de familles sont touchées d'une certaine façon - il est honteux qu'il ne soit pas possible d'en parler plus

A ce sujet on associe souvent la notion de guérison à celle de la volonté
"Tu veux bien arrêter de te regarder le nombril et te prendre en charge !"
une espèce de "si tu veux, tu peux"
Q: quelle est votre opinion ?
Without teaching individuals the necessary skills we can;t expect them to stop the behaviors that have been effective in regulating their moods over the years - it is often not a question of wanting to stop - they all want to stop - it is more of a question of learning how to regulate their emotions in other ways - which is what DBT is about

Q: Que pensez-vous donc de l'idée de la création de l'association AAPEL pour aider à faire connaître cette maladie auprès du public et aider les malades ?
Je suis à fond pour - Comme je l'ai déjà mentionné il y a une association aux USA appelé TARA (Treatment and research advancement) il y a aussi la National Alliance for the Mentally Ill (NAMI) - Je recommande fortement de contacter Valerie Porr

Il est éthiquement très difficile de contraindre une personne au traitement (Je suppose que c'était souvent inefficace s'il ne le désire pas)
Mais nous savons qu'il existe en France et dans le monde des milliers de malades Borderline qui ne savent même pas qu'ils le sont, qui pensent que c'est leur "nature" de souffrir
Q: Que pensez-vous du principe de "l'obligation de diagnostic" lorsque nous sommes en contact avec une personne potentiellement Borderline (ou toute autre maladie mentale), pour la "forcer" (je ne sais pas comment) à consulter un thérapeute, non pas pour la traiter, mais seulement pour lui fournir un diagnostic précis ?
Ainsi il serait beaucoup plus complexe pour elle de dire "je ne suis pas malade" (et aussi pour l'entourage de croire à ses mensonges)
Le second point est peut-être que cela pourrait l'aider de savoir qu'elle est malade
Alors ?
Je pense qu'en temps qu'être humain j'ai l'obligation de supprimer la souffrance du mieux que je peux

(Dans le cas où vous penseriez que ce n'est pas une bonne  idée)
Q: Ne pensez-vous pas qu'il existe alors un risque important pour les patients borderline de penser:
"Je souffre, je sais mais je suis la seule comme cela, c'est ma nature" et non de se dire "je ne suis pas seule dans ce cas, je suis seulement malade" ?
(question non posée)

Question sans réponse je suppose
Q: "comment convaincre un malade de consulter un spécialiste ?"
DBT a toute une série de ce que nous appelons des stratégies d'engagement - la première étape est d'essayer de faire savoir à la personne qu'il y existe de l'aide pour la souffrance qu'ils éprouvent

Je suppose qu'il est largement plus difficile de convaincre un borderline "fonctionnant maxi" de consulter un thérapeute (si ils disents "je n'ai rien")
Q: Une fois encore qu'elle est votre experience, la solution ?
(question non posée)

“La campagne de dénigrement”. Le fait que le malade accuse le non-malade celui “qui a vu” d'être lui-même un malade
Q: est-ce une donnée commune ?
En se sentant sur la défensive la plupart des personnes se retourneront vers les personnes dont elles pensent qu'elles les attaque

Q: comment réagir face à cela ?
Énoncer une bonne volonté d'aller avec eux voir quelqu'un qui peut aider à les remettre sur pied

Q: De manière plus globale, comment "gérer" ses relations avec un borderline ?
(question non posée)

Le borderline semble avoir un esprit émotionnel d'enfant
Q: Est-il "raisonnable" de demander à un "pseudo enfant" de prendre une telle décision ?
(consulter ou pas, se soigner ou pas)
Meme les enfants sont capables de prendre des decisions sages et raisonnables quand il le faut - De par mon expérience, il veulent vraiment aller mieux et font de leur mieux pour cela.

Q: Cela n'est-il pas totalement utopique d’attendre qu’il se prenne seul en charge et même cruel ?
Non - En fin de compte ils n'ont pas provoqué leurs propres problèmes mais ont à prendre la responsabilité de les résoudre

Q: Quelle est votre expérience à ce sujet ?
Comment les malades viennent à vous ?
Usually when I first see them - they have been recently in a psychiatric hospital and don't want to go back and are interested in getting help.

Origine de la maladie
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L'origine de la maladie semble être très complexe dans le cadre du trouble borderline, mais il ressortirait que des traumatismes durant l'enfance sont à l'origine de celle-ci
Q: Qu'en pensez-vous ?
I believe that BPD is a transaction between emotion vulnerability (biology) and an invalidating environment - both elements are necessary - that being said there is a high incidence of sexual and/or physical abuse among patients with BPD but abuse does not account for all cases nor do all those you have been abused develop BPD

Q: Des crises d’épilepsie durant l’enfance peuvent-elles selon vous provoquer la maladie comme le pense certains chercheurs?
(question non posée)

Q: Inversement la maladie peut-elle provoquer des crises d’épilepsie?
(question non posée)

Q: Cette maladie aurait de plus des origines génétiques et bio-chimiques, qu’en pensez-vous?
(question non posée)

La famille peut être d'une grande aide pour soutenir tout malade.
Mais dans le cas où un des parents a une part de "responsabilité" (non consciente) dans la maladie de son propre enfant,
Q : Comment peut-il être “envisageable” pour ce parent d'ouvrir les yeux sur la réalité de la situation ?
If all are willing we do family therapy in which e teach family members skills as well.  Just like we assume that our patients want to improve and are doing the best  that they can we make the same assumptions about families

Il semblerait que la maladie mentale en général se transmette de parents à enfant comme un enfant d'un père alcoolique deviendrait lui-même alcoolique à l'age adulte
Q: Qu'en est-il selon vous ?
Oui il y a une forte composante génétique

Q: Cela en est-il de même dans le trouble borderline ?
La mère borderline va t'elle rendre sa fille borderline, qui elle-même devenue adulte rendra borderline ses propres enfants ?
There is evidence that many patients with BPD come from families that have affective disorders such as depression or bipolar disorder (or BPD)

Q: Comment briser ce cycle infernal ?
Non pas si la mère reçoit le traitement adequate

Dernières questions
Q: Quelle question auriez-vous voulu que je vous pose et que je n'ai pas posé ?
-

Q:Le mot de la fin doit-il être "espoir" ?
Il y a des traitements disponibles efficaces - J'espère que vous aurez l'opportunité de contacter le TARA et le Behavioral Technology Transfer Group pour trouver plus d'informations sur ce traitement et comment l'importer en France

Réponses gracieusement fournies par M Randy Wolbert - Msw Clinical Directeur Clinique
InterAct de Michigan

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