Trouble borderline
Des mensonges qui font l'affaire de tout le monde.

" Appel au secours laissé lettre morte par des personnes qui ne savent pas comment crier leur désespoir et leur souffrance "


Bonjour

Je m’appelle F. et j’ai la trentaine
Je n’ai à ce jour pas été diagnostiquée Borderline mais tout me laisse à penser que je le suis
Je me sens seule, je fais des colères pour un oui ou un non que j’essaie de cacher aux autres, je suis souvent angoissée et j’ai l’impression de passer complètement à coté de la vraie vie.

Lorsque je suis seule ou avec mes proches, parfois je n’arrive pas à me contrôler, ce qui n’est pas le cas au travail où j’arrive à masquer mes problèmes. D’ailleurs tout le monde me trouve normale, gaie, sympa
C’est comme si j’avais deux vies, une ou je me contrôle, et l’autre ou je n’y arrive pas

D’où cela vient-il ?
Autant que je m’en souvienne, je me suis toujours sentie différente des autres, depuis que je suis enfant ( à partir de 12 ou-13 ans à peu prés) et je n’ai jamais été heureuse, même enfant
Je sais que j'ai fait des spasmes du sanglot vers 2 ou 3 ans, peut-être il y a un lien, plus l'épilepsie

Le pire est qu’ils ne voient rien
Même quand j’essayais de dire que ça n’allait pas, personne ne s’est jamais inquiété, sauf maintenant mon conjoint qui m’a dit d’aller consulter
Quand j’étais enfant, je faisais déjà des colères où je cassais tout, la non plus ils ne se sont pas inquiétés, je recevais une claque quand ils me voyaient faire et c'est tout.
Une fois j’ai frappé de rage dans une vitre et elle s’est cassée, je me suis ouvert la main. J’ai alors raconté un bobard qui ne tenait pas la route, mais ils m'ont crue parce que ça les arrangeait.
Les crises de rage, je les fais de préférence quand je suis toute seule, même si parfois après il faut mentir pour expliquer pourquoi j'ai la main ouverte, ou pourquoi la lampe est cassée, ou ma chemise déchirée.

Lorsque j’avais 18 ou 20 ans, j’étais désespérée de voir que personne ne voyait que je souffrais, personne ne me comprenait, alors je me suis renfermée et adopté une attitude de faux semblant

J’ai fait deux tentatives de suicide mais par impulsion bête. J’ai pu cacher chacune des deux tentatives pour une raison bien simple: elles n'ont pas eu d'effet sur ma santé !
Je m'explique:

Pour la 1ère, j'avais peur de passer un examen que je n'avais pas bossé et j'avais peur d'avoir une mauvaise note.
Pour la 2e tentative, mes parents ont été au courant finalement car je l'ai dit à un membre de la famille, et bien vous me croirez ou pas, mais ils n'ont rien fait, ils m'ont juste engueulée !
Par contre, j'avais vraiment envie de crever pendant des mois et des mois, j'imaginais le meilleur moyen, et je ne l'ai pas fait à ce moment, c'est assez bizarre.

Quand au fait que je leur mentais, c'est vrai mais quand j’essayais d’en parler, mes parents minimisaient et me disaient que ce n’était qu’une question de volonté. En même temps, ils se désolaient de me voir passer à coté de ma jeunesse.


A cette époque là, il m'arrivait fréquemment de pleurer, seule dans ma chambre, et parfois mes parents m'ont vue, et bien ils ne me disaient pas autre chose que "tu devrais avoir plus d'amis, ça irait mieux, secoue toi"
Ils voyaient bien que la moindre remarque me mettait ou en colère ou me faisait pleurer et me rendait triste très longtemps, la non plus ils ne se sont pas inquiétés.
De plus, j'avais dit à ma mère que j'avais très peur d'être lesbienne, car pendant un moment je ne savais pas trop si j'étais homo ou hétéro, même si je n'ai couché qu'avec des hommes, j'avais des pulsions...et bien la encore, personne ne s'est inquiété !
Ils disaient juste " c'est un age difficile, ça va passer" ou "c'est normal de se sentir mal dans sa peau à 20 ans"
Je dois avouer que je leur en veux surtout pour ça, pour n'avoir rien voulu voir, de m'avoir laissée dériver, rester comme ça, alors qu'on aurait pu faire quelque chose.

Vous avez raison de souligner les mensonges des malades, mais il faut aussi dire que certains parents se mentent à eux mêmes, refusent de voir une vérité dérangeante, et finalement mes mensonges arrangeaient tout le monde, tout le monde sauf moi!
Car je pense très sincèrement qu'il y a un accord tacite entre le malade et son entourage:
Le malade ment, et l'entourage se dépêche de le croire, comme ça tout le monde peut continuer à vivre comme si tout allait bien, sauf le malade bien sur !
Et pensez surtout qu'un médecin psychiatre m'a laissée partir dans la nature sans rien me dire sur ce que j'avais ! Mais le savait-il??

Quand je dis "je n'ai jamais été heureuse", c'est vrai, mais je suis quand même gaie, et j'ai quand même connu des moments de joie, j'ai connu des soirées avec des amis où j'étais bien...mais le bonheur, celui que je voyais tous les jours sur le visage des gens dans la rue, attablés à un café, flânant avec des amis, tranquilles, capables d'éprouver du bonheur avec des choses toutes simples, celui la non, je n'y ai jamais eu droit.

Le manque de confiance se traduit chez moi par la peur que les autres se moquent de moi, donc quand quelqu’un me regardait j'étais méfiante, quand je voyais quelqu’un rire je croyais qu'il riait de moi. Oui bien sur que cela conduit à des conduites d'évitement, j'ai peu d'amis, et je ne gardais jamais les mêmes très longtemps.
Quand vous me demandez si j'avais peur qu'ils sachent, je ne crois pas, au contraire, je voulais qu'ils prennent conscience que je n'allais pas bien, qu'ils m'aident, mais comme je ne pouvais pas leur dire avec des mots, car je ne maîtrise pas mes émotions et que je me serais mise à pleurer et à dire n'importe quoi, je leur faisais comprendre, je laissais des "signes", par exemple je laissais traîner des feuilles ou il y avait marqué "la vie c'est nul", "vive le suicide", "je suis une nullité", etc.. Ils l'ont parfois vu mais soit ne disaient rien, soit me grondaient "ça va pas d'écrire des trucs pareils", mes frères se moquaient aussi de moi, mais eux c'étaient des enfants.
A propos de mes frères, ils ne sont pas comme moi, ils ont eu quelques problèmes, mais eux on les a emmenés chez le psy, alors qu'ils étaient nettement moins atteints que moi ! Ils vivent bien, je le vois, ils ont des amis, et puis je me rappelle d'eux enfants, ils ne faisaient jamais des choses anormales comme moi.

Des fois je disais à ma mère "je suis pas bien dans ma tête", et elle répondait "c'est pas vrai ?", mais à son ton et son regard je voyais bien qu'elle voulait que je lui réponde "non, c'est pour rigoler", alors c'est ce que je disais.
Vous voyez, en fait j'essayais de le dire, sans avoir l'air d'y toucher parfois, mais je comprenais qu'ils ne voulaient pas que j'aille plus loin
J'ai essayé par tous les moyens de leur dire que je n'allais pas, et ils ne voyaient rien ou plutôt ne voulaient rien voir, à mon avis ça les aurait obligés à se mettre en question et ils ne le voulaient pas, alors, après avoir essayé pendant 2 ou 3 ans de leur faire comprendre, en laissant des "signes", j'ai fini par laisser tomber, j’en ai eu marre d’attendre une aide, j’ai laissé tombé et j'ai commencé à mentir sur moi, sur ma vie, sur mes relations, sur tout.
Je suis sortie avec un gars pendant un an et mes parents ne le savaient pas, car je leur cachais. C'est comme cela que j'ai commencé à jouer un rôle au sein de ma famille, celui qui arrangeait tout le monde.
Ce n'est pas fatigant de mentir, on s'habitue, ce qui est épuisant, c’est d'espérer une aide qui ne vient pas!
Je ne parle donc jamais vraiment avec les autres, ils ne me connaissent pas vraiment
Je leur mens, je minimise
Pendant un moment je disais à mon conjoint que c’était lui qui était violent, et pas moi mais il a bien compris

Pour en revenir à mes parents je pense que ma mère, qui elle aussi avait des problèmes, était à la fois très sur-protectrice et très dure avec moi
Je peux dire qu’effectivement, ma mère m'a complètement étouffée, elle décidait tout à ma place, elle était comme ça avec tout le monde d'ailleurs, même avec mon père.
J'ai des frères plus jeunes que moi, et apparemment ils s'en tirent nettement mieux que moi, même s'ils ont eu des fois des petits problèmes, mais rien à voir avec moi.
Mais je pense que ma mère était très dure avec moi surtout parce que j'étais une fille, elle m'aimait mais à la fois elle me cassait parfois, du genre "tu es une menteuse", "tu es une emmerdeuse", des remarques négatives, elle ne me faisait pas confiance, elle me rabrouait. J'avais terriblement peur d'elle et j'ose dire que je ne l'aimais pas vraiment, j'enviais les copines qui avaient la chance d'avoir une mère normale.
Maintenant, ça va mieux entre elle et moi, je l'aime bien.

Quand à mon père et bien on peut le qualifier de "père absent", il n'avait aucune autorité sur nous et ma mère le commandait et même le grondait comme un gamin devant nous.
Mais lui était sain d'esprit, contrairement à ma mère qui à mon avis est un peu névrosée, même si je ne suis pas psychiatre.
Alors c'est surtout à lui que j'en veux, car il se rendait compte de pas mal de choses, plus que ma mère, il se doutait que je déraillais, mais il n'a rien voulu faire parce qu'il ne voulait pas prendre de décisions, il était commandé par sa femme.

Pour les autres membres de ma famille, je pense que certains s'en rendaient plus ou moins compte, mais ne pensaient pas que c'était si grave. Ma tante m'a dit une fois "le désordre de ta chambre illustre celui de ta tète", donc elle voyait qu'il y avait problème, mais elle mettait ça sur le compte d'une période difficile. Mais je dois dire que dans ma famille, coté maternel, on trouve des névrosés, des hypocondriaques, et même des psychotiques (dans les pièces rapportées, mais quand même !), alors mes problèmes ne paraissent peut-être pas si graves que ça. Je crois qu'une de mes tantes a conseillé à ma mère de me faire une psychothérapie, mais j'avais déjà 19 ans, il était bien tard.
Je sais aussi qu'une amie de ma tante qui était institutrice me connaissait quand j'étais enfant, à 7-8 ans, et qu'elle avait dit qu'elle trouvait que j'avais un comportement anormal avec les autres enfant, il n'y a pas eu de suite, hélas.
Si j'avais été très violente envers les autres, peut-être que mes parents se seraient plus inquiété, mais j'intériorisais déjà beaucoup, sauf dans ma chambre ou je piquais des rages, et que je fracassais mes poupées. Une fois, j'ai décapité l'ours de mon frère avec un couteau, j'avais 6 ans, je me suis pris une bonne fessée et voila tout.


Je n'étais pas une enfant normale, meme si j'étais gaie, j'avais des comportements parfois bizarres, avec les autres enfants notamment, de plus j'étais trés inattentive en classe, "réveuse", et j'étais déja une enfant angoissée, pour un oui ou pour un non. et je faisais déja des crises de rage, quand je n'arrivais pas à faire un jeu, ou autre chose...
Il y a les malades "voyants", ceux la personne ne peut ignorer qu'ils le sont, et les autres, comme moi, quand je me penche sur mon passé d'enfant et d'ado je découvre une multitude d'actes qui étaient anormaux mais dans la globalité je devais paraître à peu près normale pour ceux qui ne vivaient pas avec moi.

Je me suis parfois posée la question " Et si quelqu'un de ma famille ou une amie était venue me voir à l’époque pour me dire "j'ai bien compris que tu as un problème, arrête de faire semblant", comment aurais-je alors réagis.
C'est difficile à dire car en fait le problème c'est que je ne savais pas vraiment que j'avais un vrai problème psychiatrique, je voyais que ça n'allait pas, je n'allais pas bien, je voulais de l'aide car je savais que je coulais, je dérivais, je n'étais pas heureuse, mais je ne savais pas vraiment que j'étais malade.
Mais je pense que si quelqu’un me l'avait dit comme ça, si ça avait été un membre de ma famille, j'aurais été plutôt soulagée, j'aurais dit "tu crois? A quoi tu vois ça?", on en aurait peut-être discuté, mais personne ne m'a jamais dit ça
Des fois ma tante ou ma cousine me disait "et toi ça va ?", "tu as des amis ?", et dit comme ça c'est très difficile d'avouer de but en blanc "non ça ne va pas, je ne suis pas heureuse, j'ai envie de crever", c'est dur car on n'a pas assez confiance, et puis on croit qu'ils ne vont pas vous prendre au sérieux comme ça m'est arrivé tant de fois avec mes parents quand je disais "je n'ai jamais demandé à naître, si j'avais su !" et qu'on me répondait "arrête de dire des bêtises, c'est honteux de dire ça quand on a la chance de naître dans un milieu favorisé !" .
Quant à accepter un soutien extérieur au cercle familial, je ne sais pas trop, en fait peut-être que j'attendais que quelqu’un prévienne mes parents et ose leur dire "aidez la, elle ne va pas bien"

Ma mère aurait pu je pense l'entendre de sa sœur ou de quelques amies, mais il ne faut pas le dire " soft " à des parents de malades qui sont aveugles, au contraire je crois qu'il faut le dire presque brutalement pour qu'ils ouvrent les yeux
Quant à mon père, peut-être son caractère l'empêchait de faire quelque chose, mais je n'arrive pas à l'excuser totalement même si je l'aime bien, mais c'est le passé maintenant, il faut voir l'avenir et surtout il faudrait que chaque parent connaisse les signes alarmants, surtout chez les malades silencieux, qui ne font pas de crises en public.

Je pense que moi je ne suis pas capable de parler de moi, de mes problèmes à quelqu’un, car je suis immédiatement envahie par la colère ou les pleurs, donc la seule façon de dire quelque chose c'est en faisant semblant de rigoler, en écrivant (comme je le fais la!), ou en ayant une attitude puérile, mais parler avec mes proches franchement, les regarder dans les yeux et leur dire "je suis mal dans ma tête, je ne sais pas ce que c'est mais j'ai envie de crever, aidez-moi", ça je sais que je n'en étais pas capable, ni aujourd'hui d'ailleurs. je vous dis, il y a un mur entre moi et les autres, je m'en approche de temps en temps, souvent même, au boulot je plaisante volontiers, je rigole avec les autres, mais parler de mes sentiments, de mes peurs, de mes problèmes psy, je sais que je ne sais pas le faire. J'attendais qu'on me prenne par la main et qu'on m'aide, comme un bébé, je crois que c'est ça, sans me poser trop de questions qui m'auraient dérangée.

En fait je pense qu'il ne faut pas attendre du malade qu'il se livre verbalement de manière constructive, car on n'en est pas capable je pense, il faut y aller droit au but "tu sais, tu as un problème, on va t'emmener consulter", c'est tout ce que j'aurais aimé, mais surtout pas des questions, car on ne sait jamais répondre, on a tendance à se défiler, il faut que l'initiative vienne du non malade, surtout quand le malade montre par des signes qu'il appelle à l'aide, comme c'était le cas pour moi pendant 2 3 ans.

Voila, je crois qu'il est important de préciser que les malades ont un problème énorme pour communiquer avec les autres, donc ils ne vont jamais expliquer directement qu'ils ne vont pas bien et ont besoin d'aide, ils vont essayer de le montrer avec des signes, des dessins, des écrits, des petites phrases en l'air...tout cela, ça veut dire "au secours, aidez-moi, je coule".

Aujourd’hui j’en ai assez de cette situation, ce sont les enfants qui m'ont fait prendre conscience, et j’ai décidée de me prendre en main pour enfin connaître ce bonheur auxquels les autres ont droit " mais pas moi "

Merci à bientôt


F.
 
 

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